Le choléra à Rillieux
Un médecin savoyard soigne les Rilliards cholériques
Le but de ma visite, monsieur le Maire, je vais tout simplement vous le dire. Vous savez peut être que je suis Savoyard. L’année dernière Mr Reveil a fait des démarches pour me faire obtenir des lettres de naturalisation ; mais elles n’ont pas pu aboutir, parce que je n’avais pas rempli une formalité essentielle, je n’avais pas il y a dix ans déclaré à la Mairie en présence de deux témoins que mon intention était de devenir citoyen français. Cet article de la loi, je l’ignorais complètement, cependant Mr le Ministre serait passé outre en considération de Mr Réveil, si j’avais pu produire des titres attestant que j’avais rendu des services publics. Dernièrement en voyant dans les journaux cette longue liste de décorations et de médailles données aux personnes qui s’étaient dévouées aux cholériques, me souvenant d’autre part qu’un médecin de mes compatriotes avait obtenu la naturalisation sur la simple présentation d’un titre semblable, je me suis demandé si je ne pourrais pas user de cet expédient pour arriver à mon but. J’allais vous soumettre cette idée, et vous prier, s’il n’y avait pas de ma part une trop grande présomption, de tenter quelques démarches en ma faveur. Ce résultat, s’il était favorable, me réhabiliterait encore dans ma clientèle.
Voilà ce que je voulais vous dire, comptant dans la droiture de votre jugement et la bonté de votre cœur.
Cette lettre conservée aux Archives a été écrite par un médecin qui a soigné des habitants de notre commune atteints du choléra.
Elle nous rappelle qu’avant 1860, les Savoyards n’étaient pas Français. C’est en effet en 1860 que la Savoie (actuelle Savoie et Haute-Savoie), ainsi que le Comté de Nice, sont rattachés à la France. Ce médecin espère donc devenir Français en récompense des services rendus à la population touchée par une épidémie.
Mais… pourquoi une épidémie de choléra s’est-elle déclarée à Rillieux au milieu du dix-neuvième siècle ?
C’est en raison de la construction de la ligne de chemin de fer Lyon-Genève que le choléra frappe notre commune au milieu du dix-neuvième siècle. Il n’est alors pas prévu que le train s’arrête à Rillieux : les rails sont installés pour que la ligne de chemin de fer traverse la commune sans arrêt.
Tout débute en 1854, quand sont prononcés les jugements d’expropriation pour cause d’utilité publique de propriétaires rilliards, en faveur de la Compagnie du Chemin de fer de Lyon à Genève.
Une épidémie de choléra se déclare parmi les ouvriers travaillant sur le chantier du chemin de fer, et Rillieux n’a pas été la seule commune touchée lors des travaux de construction des voies ferrées en France.
L’épidémie est attribuée par les médecins à une nourriture malsaine et aux mauvaises conditions d’hygiène subies par les ouvriers terrassiers du chantier, qui sont si mauvaises que « les ouvriers aimoient mieux coucher sur la route en plein air que dans leurs lits » relève un rapport.
Pour stopper l’épidémie, la solution préconisée est de fermer les chantiers et de renvoyer les ouvriers, malgré « des conséquences fâcheuses, jetant sur les pavés un grand nombre d’ouvriers, la plupart étrangers et qui n’ont d’autres ressources que leur travail ».
Mais le choléra se répand ensuite dans le village. Le Préfet de l’Ain suit la situation rilliarde de très près. Il exige que le maire lui envoie un rapport quotidien, et vient apprécier la situation sur place. Des Rilliards meurent, des enfants restent orphelins.
Les Sœurs du Bon Secours sont envoyées pour soigner les malades. Un « charlatan » provoque l’émotion dans le village en prétendant que les malades sont en fait «empoisonnés par la médecine». Il recommande aux Rilliards de refuser les médicaments, mais il est rapidement empêché de propager ces fausses informations.
L’épidémie est finalement enrayée.
Dans les années qui suivent, l’impact du chemin de fer est heureusement plus positif pour la commune.
Les Archives conservent d’autres documents relatifs à cette épidémie : correspondance, ordonnances…