Batelets et bac à traille
Les voies de circulation fluviales
Batelets et bac à traille
Les voies de circulation fluviales
De petits bateaux pour les particuliers
A la fin du dix-neuvième siècle, des particuliers ont l’autorisation d’établir des batelets pour leur usage particulier, pour se rendre de Crépieux aux îles de la Pape.
Ces batelets doivent être amarrés rive droite du Rhône au port des îles de la Pape au moyen d’une chaîne solide, et porter le nom de leur propriétaire « gravé sur une plaque en métal ou peint en lettres, de couleur blanche sur écusson noir, ayant au moins 0,10 m de hauteur sur 0,01 m de plein ».
Un bac à traille pour tous
Un bac à traille est une embarcation utilisée pour traverser un cours d’eau. Elle est reliée par un câble à un autre câble tendu entre deux pylônes construits sur chacune des rives du cours d’eau.
C’est un arrêté du 5 octobre 1853 qui autorise la commune de Rillieux à établir un bac à traille pour se rendre sur les îles du Rhône.
L’année suivante, un budget de 4 500 francs est voté pour sa construction.
Le premier bac à traille est construit par Charles Nicolier, constructeur de bateaux à Sault-Brenaz (Ain), principalement en bois de sapin.
Par la suite, le bac à traille est maintes fois réparé et reconstruit. En 1881 par exemple, Charles Nicolier le reconstruit. Sa longueur est de 14,80 mètres, sa largeur de 6, 30 mètres au niveau du pont, et de 3 mètres à la proue et à la pointe d’arrière. Il est bâti en bois de sapin et de chêne, pour un montant de 3200 francs.
En 1947, la traille est remplacée par deux barges métalliques sur lesquelles était fixé un plateau. Ces bateaux métalliques allemands ont été achetés d’occasion au Génie Militaire et sont originaires de Lavoulte-sur-Rhône.
La dernière traille était en chêne. Elle a fonctionné jusqu’en 1965. Cette année-là en effet, l’accès aux îles de la Pape a été interdit à la population.
Le passage
Pour utiliser le bac à traille, il faut s’acquitter d’un droit de passage. En 1950, il est de 7 francs par personne étrangère à la commune, de 10 francs en 1951 mais gratuit pour les habitants de la commune.
Malgré les réparations fréquentes, le bac à traille et ses passagers n’étaient pas à l’abri d’un accident. En 1859, le drame a été évité de justesse :
Indemnité de 23 francs à donner à titre de reconnaissance aux personnes qui ont arrêté le bac de la commune que le Rhône entrainait
L’an mil huit cent cinquante neuf et le vingt-deux mai le Conseil étant assemblé sous la présidence de monsieur le maire, monsieur Brosset ayant été nommé secrétaire par les membres présents monsieur le maire expose au conseil que dans le courant du présent mois le bac à traille appartenant à la commune pour le service de ses îles du Rhône s’étant détaché, était entrainé par le courant et était exposé à être brisé contre les arches du pont, lorsque les sieurs Voirin et Rivan, s’empressèrent de prévenir ce danger qui se compliquait d’ailleurs de la crainte qu’on avait de voir périr les personnes et les animaux qui se trouvaient dans le bac monsieur le maire propose au Conseil d’allouer une gratification de dix francs à chacune des personnes ci-dessus nommées qui ont sauvé le bac et de faire rembourser à monsieur Perrier une somme de trois francs qu’il a dépensée pour frais de remonte du bac.
Le conseil appréciant la convenance des propositions faites par monsieur le Maire l’autorise à faire payer au sieur Voiron une somme de dix francs, à Rivan une pareille somme de dix Francs et à monsieur Perrier une somme de trois francs en totalité la somme de vingt-trois francs qui sera prise sur les fonds libres de la commune.
La présente délibération sera soumise à l’approbation de l’autorité supérieure.
D’autres incidents se produisent parfois. En novembre 1950 par exemple, une crue du Rhône emporte le bateau.
Le pontonnier
Au bac à traille était associée la maison du pontonnier. La première a été construite en 1855. Le passeur y est logé gratuitement. Il assure le service du bac du lever au coucher du soleil, avec interruption de 12h30 à 13h30. Il maintient en état le bac, les pontons et les accessoires. Le fait d’être pontonnier est une charge soumise à adjudication : les soumissionnaires doivent proposer la somme qu’ils sont prêts à payer à la commune pour exercer cette charge.
Le soumissionnaire qui offre la plus forte somme est retenu. Il verse ensuite le fermage annoncé en novembre de chaque année, et est payé par les droits de passage acquittés.
S’étant écroulée suite à une crue du Rhône en 1928, la maison a été reconstruite en aval, et s’y trouve encore.
En descendant du bac : la vie sur l’île
Grâce au bac à traille, c’est une ambiance de guinguettes que Rilliards et Lyonnais venaient nombreux trouver sur les îles. Cette voie de communication servait principalement aux loisirs.
On venait aux îles pour s’y baigner. Dans les années 1950, il était également possible de louer des canoës sur la plage des Charmy.
Mais on y trouvait également des cafés-restaurants, pour déguster le menu de friture et fromage blanc, puis danser. Le pontonnier pouvait d’ailleurs compléter ses revenus en tenant lui-même une débit de boissons, à l’image de Pierre Cadier en 1871.
Les tenanciers devaient demander l’autorisation pour ouvrir un débit de boissons sur les îles ou au port de la Pape.
Les conditions pour obtenir l’autorisation « de faire danser les dimanches et jours de fêtes » étaient drastiques : En 1887, l’autorisation est donnée à condition :
- De n’admettre dans la salle aucune personne du sexe féminin n’ayant pas atteint l’âge de majorité ;
- D’interdire toute danse indécente et de requérir les agents de la force publique à l’effet d’expulser ceux qui se les permettraient ;
- De ne laisser pénétrer dans la salle de danse qui que ce soit avec armes, cannes, parapluies, bâtons, etc, etc., et de faire déposer ces objets dans un vestiaire qui sera établi à cet effet par les soins du propriétaire ;
- De faire afficher sur le lieu de la danse et dans un endroit apparent le prix des objets de consommation ;
- De terminer les danses à la chute du jour le plus tard.
Mais les Lyonnais venaient également jardiner sur les Iles. Le 7 novembre 1931, une convention entre la Ville de Lyon et la commune de Crépieux-la-Pape avait été signée. Il y est précisé que la ville de Lyon prend en bail emphytéotique à 99 ans une partie des îles, depuis le 22 septembre 1930. Les Lyonnais y ont établi des jardins familiaux, et traversent régulièrement le Rhône grâce au bac à traille pour cultiver leurs jardins.
En 1965, cette activité s’arrête en même temps que le bac à traille. En effet, les îles abritent désormais le champ captant de Crépieux Charmilles, qui est l’un des plus vastes d’Europe (375 hectares).
Pour préserver la qualité de l’eau potable, toute présence humaine y est désormais interdite, et les habitants des îles ont été expropriés lors de la mise en place du champ captant.
Les îles servent également à la préservation du patrimoine écologique, et abritent environ 500 espèces animales et 500 espèces végétales, dont une fougère protégée (langue de serpents) et de rares orchidées (ophris élevés).